Comprendre une technologie n'est pas nécessaire pour l'améliorer!

02 avril 2019

Les technologies produites par les civilisations humaines sont-elles le résultat de nos capacités intellectuelles ou de nos aptitudes d’imitation ? D’après une équipe internationale comprenant des chercheurs du laboratoire ETHICS EA-7446 de l’Université catholique de Lille et du CNRS, avec le soutien de TSE de l’Université Toulouse 1 Capitole*, la création de technologies efficaces ne nécessite pas forcément leur compréhension. Leur étude est publiée dans la revue Nature Human Behaviour le 1er avril 2019.

Produire des outils complexes et s’adapter à différents milieux : on pense souvent que l’être humain a pu y parvenir grâce à son imposant cerveau, qui le rendrait plus ingénieux et inventif que d’autres espèces. Pourtant, l’efficacité de technologies telles que l’arc ou le kayak dépend de nombreux paramètres qu’il est encore aujourd’hui difficile de comprendre et de modéliser, même pour des physiciens. Pour cette raison, certains anthropologues ont suggéré que ces technologies résultent non pas de nos capacités de raisonnement mais de notre propension à copier les autres membres de notre groupe : de petites améliorations seraient sélectionnées successivement, conduisant à l’émergence de technologies efficaces et pourtant incomprises des individus.

Les chercheurs ont voulu tester cette théorie en laboratoire. Pour cela, ils ont recruté des étudiants qui devaient optimiser une roue afin qu’elle parcoure le plus rapidement possible la distance d’un mètre sur des rails inclinés (photo). Chacun avait cinq essais pour produire la configuration la plus efficace, avant de répondre à un questionnaire qui testait sa compréhension des mécanismes physiques pouvant influencer la vitesse de la roue. Afin de simuler la succession des générations humaines, les chercheurs ont créé des chaînes de cinq individus : chacun avait accès, sur un écran d’ordinateur, à la configuration et à l’efficacité de la roue des deux derniers essais du participant précédent. 

Tandis que la roue gagnait en vélocité au cours des « générations », la compréhension des individus est restée médiocre. En d’autres termes, il n’y avait aucun lien entre la performance de la roue et le niveau de compréhension des participants ! Chaque individu avait produit des configurations plus ou moins aléatoires et c’est la combinaison entre ces essais-erreurs individuels et la copie des configurations les plus rapides qui avait suffi à optimiser la roue. 

Dans une seconde version de l’expérience, les participants transmettaient à l’individu suivant, en plus de leurs deux derniers essais, un texte décrivant leur théorie sur l’efficacité de la roue. Les résultats furent similaires : les roues gagnaient en vitesse mais, là encore, sans que les individus comprennent pourquoi. La transmission de théories fausses ou incomplètes pouvait même empêcher les générations suivantes de développer une compréhension correcte du système, les rendant comme aveugles à une partie du problème.  

Cette expérience illustre l’importance des processus culturels dans l’apparition d’outils complexes : notre aptitude à copier les autres individus permet l’émergence de technologies que nul n’aurait su inventer de lui-même. Elle invite à se montrer prudent dans l’interprétation des vestiges archéologiques en termes de capacités cognitives, ces aptitudes n’étant pas le seul moteur de l’évolution technologique.

 

*Maxime Derex est chercheur à l’Université d’Exeter et membre du laboratoire ETHICS de l’Université catholique de Lille. Jean-François Bonnefon est chercheur CNRS au laboratoire Toulouse School of Management Research (CNRS/ Université Toulouse 1 Capitole) et membre de TSE (Toulouse School of Economics).

Causal understanding is not necessary for the improvement of culturally evolving technology, Maxime Derex, Jean-François Bonnefon, Robert Boyd et Alex Mesoudi. Nature Human Behaviour, le 1er avril 2019. DOI : 10.1038/s41562-019-0567-9

Dispositif utilisé dans l’expérience
Les participants pouvaient modifier la position des poids le long des rayons entourant la roue, afin d’augmenter sa vitesse sur le rail incliné.
Deux facteurs influencent cette vitesse : la distribution de la masse autour de l’axe de la roue, ou moment d’inertie (plus la masse est condensée, proche de la roue, plus celle-ci est rapide), et la position du centre de masse de la roue (plus celui-ci est haut, plus l’accélération est importante).
© Maxime Derex
 

La roue utilisée dans l'expérience

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    Ouverte à toutes et à tous, la formation est conçue pour être suivie en parallèle d’une activité principale étudiante ou professionnelle. Le parcours s’adresse en priorité : • aux personnes engagées dans la vie associative, politique ou syndicale (éducation populaire, humanitaire, écologie, développement territorial) ; • aux jeunes professionnels déjà actifs dans un service ou une administration publique ou en responsabilité dans le monde de l’entreprise ; • aux étudiants tournés vers les sciences humaines, sociales • aux jeunes chercheurs et ingénieurs confrontés aux nouvelles frontières de la science et des technologies ; • à toute personne souhaitant concrétiser ou approfondir un engagement social et/ou citoyen.

     

    La formation s'effectue en 4 sessions de 3 jours sur les sites partenaires, entre septembre 2024 et avril 2025.

     

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  • Trophées de l'Engagement Étudiant

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    Notre Université a célébré mardi 09 Avril la remise des Trophées de l’Engagement Étudiant. Une soirée vibrante où 26 associations ont été primées, réunissant plus de 200 étudiants venus applaudir leurs pairs ! Bravo à tous ! 

    C’est une formidable occasion pour mettre à l’honneur les initiatives des associations étudiantes, couvrant un large éventail de causes allant du soutien aux femmes atteintes du cancer à la défense de la cause animale, en passant par les visites en milieu carcéral, la promotion de l'égalité des chances, la sensibilisation à la transition écologique, et bien d'autres encore, incluant des événements culturels et sportifs solidaires.

    Nous remercions particulièrement Charles Christory, Co-Fondateur et CEO de Le Fourgon, parrain de cette édition 2024, pour son discours inspirant qui a souligné l'importance du collectif, de l'engagement et de l'entrepreneuriat dans la société d'aujourd'hui. La soirée, animée par Louise Briquet, Présidente de la Fédération des Étudiants de l'Université Catholique de Lille, a été marquée par des échanges enrichissants permettant de mettre en lumière les parallèles entre le monde associatif et l'entrepreneuriat.

    Paul Célérier, ancien lauréat en 2018, désormais coordinateur de Campus Market, a partagé son expérience et illustré comment un engagement étudiant peut devenir le point de départ d'une belle aventure professionnelle !

    Une phrase marquera cette édition : "Soyons les entrepreneurs de nos vies."

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