L’écriture à l’épreuve de la déportation

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25 avril 2016
Colloque international interdisciplinaire :
du 10 au 12 mars 2016 à l’Université catholique de Lille


< Dessin de Thomas Geve, enfant dans les camps d'Auschwitz puis de Buchenwald.

L’écriture est fondamentalement une mise en forme de la vie. Si l’enfant passe par la forme des lettres pour inscrire les mots qui formeront ensuite des phrases, un texte, puis un récit, les civilisations se caractérisent aussi par la mise au point d’un système graphique qui leur permettra d’inscrire ce qui se vit dans l’histoire, ce qui se fera pendant plusieurs millénaires par le travail de la main. L’écriture devient ainsi la trace de ce qui se vit, de ce qui s’est vécu et de ce qui se transmet. Elle est une trace que nous laissons à la fois sur le support et en notre mémoire. Il importe dans le processus d’écriture d’être conscient de cette double empreinte à la fois psychique et externe.
Cette double écriture éclaire la nécessité du témoignage. Le déporté peut écrire son histoire à la fois pour le monde et pour lui-même. L’écriture met en ordre et donne une forme. Elle permet de pénétrer l’indéchiffrable (Christophe Perrin) et de faire acte de résistance intérieure (Marjorie Lombard). Elle témoigne aussi de notre vulnérabilité (Pol Vandevelde).
Chaque fois cette écriture des camps nous donne la preuve du dépassement humain et de la créativité dont chacun de nous est capable a fortiori dans des situations extrêmes. On trouve ainsi dans les camps une production poétique très importante (Hartmut Duppel) ou tout simplement un compte-rendu de ce qui se vit au jour le jour (Odile Louage).
L’écriture concentrationnaire peut être contemporaine de la période de déportation des prisonniers ou au contraire postérieure à cette période. Elle peut être très matérielle et répondre à la nécessité de communiquer et de rassurer (Dominique Durand). Elle prend ensuite soit la forme d’un récit autobiographique proposant des analyses philosophiques essentielles (Denis Salas) mais aussi un mode de transmission singulier (Serge Raymond), soit la forme de récits imaginaires mettant en scène des moments clés de notre humanité (Mary Honan).
Mais l’écriture ne s’arrête pas à la formation d’un style à la fois graphique et métaphysique, l’écriture concerne ce qui vient graver la mémoire dans la postérité. En ceci elle englobe des processus de gravure plus large que l’acte scripturaire. Nous avons abordé la question des photographies de Mauthausen qui reste une écriture de lumière (Renato Boccali) ainsi que des dessins laissés par Thomas Geve au sortir du camp de Buchenwald (Agnès Triebel), qui coïncident extraordinairement avec les structurations architecturales des camps (Eric Penet).
La question de la déportation n’est pas nouvelle. Elle est déjà présente dans Les Ecritures (Catherine Vialle). Elle figure comme désastre et théologie négative chez des auteurs comme Levinas (Dominique Foyer) et fait surgir la nécessité du prophétisme (Jean-François Rey).
Tout au long de ce colloque passionnant qui rassembla une cinquantaine de participants malgré les mesures de sécurité et les préoccupations induites par l’actualité, le dynamisme des dialogues et de l’intérêt n’a pas faibli ce dont nous nous réjouissons. Une thématique fut omni présente : celle de la construction de la mémoire (Corinne Benestroff) ou de l’élaboration de l’écrit de déportation (Cathy Leblanc) et une question cruciale fut abordée, celle de la négation des faits (Stanislas Deprez).
Des chercheurs de La Catho (Faculté de théologie, département d’éthique, FLSH), de France (Lille 3, Fondation pour la mémoire de la déportation, Université de Paris VIII, Ecole nationale de la magistrature, association de Buchenwald), d’Europe (Belgique, Allemagne, Irlande, Italie) et d’Outre continent (USA) ont apporté leur concours à la réflexion. Nous sommes heureux d’avoir pu proposer, en accompagnement de ce colloque, un très beau stand de librairie mis à disposition par la maison Tirloy (Lille), mais aussi les actes du colloque de l’année dernière sur Le Corps à l’épreuve de la déportation publié le 12 mars 2016 à Lille à Geai Bleu Editions (Cf.www.cathyleblanc.fr).
Nous remercions très vivement toutes les entités qui soutiennent ce colloque annuel portant sur la déportation comme objet transversal, c’est-à-dire porteur de ce qui peut éclairer notre contemporanéité. Merci aux fonds de la recherche de « La Catho », à l’Association des anciens déportés de Buchenwald, au Rotary-Club, à l’AFMD-DT59, au ministère de la Défense (ONAC).



Cathy Leblanc , professeur en philosophie à l'Institut catholique de Lille. Thèmes de recherche : la barbarie et la déshumanisation, la phénoménologie heideggerienne. Contact : cathy.leblanc2@wanadoo.fr
L’écriture à l’épreuve de la déportation

Voir également

  • Nouvelle session de formation DIU Humanisme & Politique

    Nouvelle session de formation DIU Humanisme & Politique Penser et vivre l'engagement

     

    Une proposition du Cercle Esprit Civique, des Facultés Loyola Paris, de l’Université Catholique de Lille et du Campus de la Transition. Cette formation propose de revisiter les fondements théoriques et pratiques de la vie politique pour (re)fonder l’engagement dans une visée humaniste au service du bien commun.

     

    La formation « Humanisme et Politique » offre un apprentissage à l’engagement, en particulier sous ses formes associatives, syndicales ou politiques. L’objectif est de mener un travail de fond avec des personnes engagées ou souhaitant le devenir sur leur désir d’agir, les voies d’action, les outils possibles… Il ne s’agit pas d’orienter l’action, mais de la ressourcer en revenant à ses racines.

    La formation conjugue des enseignements de niveau universitaire en sciences humaines et sociales (science politique, philosophie, droit...), des interventions de témoins engagés, suivies de débats, des ateliers pratiques de réflexion, d’échange et de recherche-action. Des ateliers de groupe sont aussi proposés pour renforcer la capacité de discernement personnel, plus de coopération, d’engagement social et politique des participants.

     

    Ouverte à toutes et à tous, la formation est conçue pour être suivie en parallèle d’une activité principale étudiante ou professionnelle. Le parcours s’adresse en priorité : • aux personnes engagées dans la vie associative, politique ou syndicale (éducation populaire, humanitaire, écologie, développement territorial) ; • aux jeunes professionnels déjà actifs dans un service ou une administration publique ou en responsabilité dans le monde de l’entreprise ; • aux étudiants tournés vers les sciences humaines, sociales • aux jeunes chercheurs et ingénieurs confrontés aux nouvelles frontières de la science et des technologies ; • à toute personne souhaitant concrétiser ou approfondir un engagement social et/ou citoyen.

     

    La formation s'effectue en 4 sessions de 3 jours sur les sites partenaires, entre septembre 2024 et avril 2025.

     

    En savoir + 

  • Trophées de l'Engagement Étudiant

    Trophées de l'Engagement Étudiant 2024

     

    Notre Université a célébré mardi 09 Avril la remise des Trophées de l’Engagement Étudiant. Une soirée vibrante où 26 associations ont été primées, réunissant plus de 200 étudiants venus applaudir leurs pairs ! Bravo à tous ! 

    C’est une formidable occasion pour mettre à l’honneur les initiatives des associations étudiantes, couvrant un large éventail de causes allant du soutien aux femmes atteintes du cancer à la défense de la cause animale, en passant par les visites en milieu carcéral, la promotion de l'égalité des chances, la sensibilisation à la transition écologique, et bien d'autres encore, incluant des événements culturels et sportifs solidaires.

    Nous remercions particulièrement Charles Christory, Co-Fondateur et CEO de Le Fourgon, parrain de cette édition 2024, pour son discours inspirant qui a souligné l'importance du collectif, de l'engagement et de l'entrepreneuriat dans la société d'aujourd'hui. La soirée, animée par Louise Briquet, Présidente de la Fédération des Étudiants de l'Université Catholique de Lille, a été marquée par des échanges enrichissants permettant de mettre en lumière les parallèles entre le monde associatif et l'entrepreneuriat.

    Paul Célérier, ancien lauréat en 2018, désormais coordinateur de Campus Market, a partagé son expérience et illustré comment un engagement étudiant peut devenir le point de départ d'une belle aventure professionnelle !

    Une phrase marquera cette édition : "Soyons les entrepreneurs de nos vies."

    Merci aux donateurs, notamment Cofidis Group pour son soutien de ce dispositif à destination des étudiants engagés de l’Université porté par la Fondation de la Catho de Lille. 

     

    Crédit photos Priscillia Loison / Raynald Delfolie

  • Little Miracle of Lille : messe aux chandelles

    Little Miracle of Lille : messe aux chandelles

     

    L'Université Catholique de Lille est mise à l'honneur pour ses messes aux chandelles dans le National Catholic Register.

     

    Depuis 2016, les messes aux chandelles sont organisées au sein de la chapelle universitaire, la chapelle St Joseph. Elles ne cessent d'attirer de plus en plus d'étudiants.

    Chaque mardi à 22h, ce sont désormais entre 800 et 900 étudiants qui viennent se recueillir et participer à cet événement dans un lieu centenaire depuis cette année. Ces messes sont organisées à l'initiative de l'aumônerie de l'Université Catholique de Lille.

     

    Découvrir l'article sur le site de National Catholic Register

     

  • Semaine Internationale Erasmus+ 2024

    Semaine Internationale Erasmus+ 2024

     

    Du 15 au 19 avril 2024, l’Université Catholique de Lille accueille une cinquantaine de collègues d’universités partenaires de 20 nationalités différentes, dans le cadre d'une semaine de formation Erasmus+.   Un programme très complet a pu être construit grâce à l’implication des chargés Relations Internationales de plusieurs écoles et facultés, des membres l’équipe Live TREE et de collègues de différents services transversaux.   L'accent sera mis sur l'engagement des universités en faveur du développement durable, une thématique au cœur des préoccupations de l'Université et de ses établissements membres. Les sujets de l'innovation pédagogique et de l'expérience étudiante seront également explorés tout au long de la semaine.

        

    47 collègues d'universités partenaires  (enseignants, responsables, chargés relations internationales...)

    20 nationalités représentées  (Géorgie, République Tchèque, Ukraine, Inde, Burundi...)

    20+ activités proposées au cours de la semaine (visites, ateliers interactifs, conférences...)

        

     

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